Être femme en prison…

Soline Gilles-

Cet article a été rédigé en 2019 par Soline Gilles qui travaillait à l’asbl I.Care. «Les femmes incarcérées constituent un groupe ayant des besoins spécifiques tant biologiques que liés au genre. Certaines femmes détenues sont particulièrement vulnérables en raison de leur position dans la société et leurs rôles culturels. Les besoins spécifiques de certaines femmes risquent d’être négligés, en particulier parce qu’elles représentent une catégorie minoritaire de détenus.».

Quelques constats

Si les femmes en prison représentent une minorité de la population carcérale globale (de 2 à 9% selon les données de l’OMS), elles se caractérisent par des besoins et des vulnérabilités différentes de celles des hommes.

L’OMS précise ainsi que la plupart des femmes incarcérées viennent d’un milieu défavorisé. Elles ont souvent subi des violences physiques et sexuelles, une dépendance aux drogues et/ou à l’alcool et une prise en charge déficiente de leur santé avant leur incarcération. De plus, elles sont souvent mères et le plus souvent en situation de monoparentalité.

Beaucoup de femmes sont en prison pour des actes non violents, de vols ou en lien avec leur consommation de drogues. Un pourcentage élevé de femmes en prison souffre de problèmes de dépendance aux drogues et leur niveau de consommation est souvent plus élevé que chez les hommes. Les femmes, pour des raisons biologiques mais aussi de normes de genre, auraient un risque plus élevé que les hommes d’entrer en prison avec le VIH, l’hépatite C ou d’autres maladies sexuellement transmissibles.

Les problèmes de santé mentale sont également plus importants pour les femmes détenues que pour les hommes. Il existe un lien étroit entre les raisons de leur incarcération et leurs maladies mentales et physiques.

De par leur parcours de vie, le temps de leur incarcération est parfois la première opportunité, pour ces femmes, d’avoir accès à des soins de santé, et à un soutien psycho-social. C’est pourquoi les services de soins de santé en prison devraient être particulièrement attentifs aux besoins spécifiques de la population carcérale féminine.

Recommandations

Les organismes internationaux tels que le CPT, l’OMS ou les Nations-Unies ont émis des normes et règles concernant le traitement des femmes adultes en prison. De l’hébergement à l’égalité d’accès aux activités en passant par la prise en charge pré et post natale… ces règles sont nombreuses et mettent en évidence la nécessité d’un traitement adapté et non discriminant comme les femmes sont en droit de le revendiquer dans la société libre.

Quelles sont ces normes et plus spécifiquement celles concernant les soins de santé au sens large? Des besoins spécifiques en terme d’hygiène: Accès à des installations sanitaires appropriées avec à disposition des articles d’hygiène en quantités suffisantes, poubelles spécialement réservées aux serviettes hygiéniques et tampons. Un accès à des toilettes à tout moment.

Des besoins spécifiques en terme de soins de santé:
«Les soins de santé proposés aux personnes privées de liberté doivent être d’un niveau équivalent à ceux dont bénéficie la population en milieu libre»

Pour garantir ce principe d’équivalence des soins, cela veut dire que les femmes détenues doivent pouvoir être suivies par des médecins et infirmier.e.s ayant reçu une formation spécialisée sur les questions de santé spécifiques relatives aux femmes. Les soins préventifs spécifiques aux femmes (dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus) doivent être proposés. Des médicaments spécifiques et indispensables aux femmes doivent être disponibles ainsi que la pilule contraceptive qui ne devrait pas être retirée aux femmes désirant la prendre. Toute forme d’interruption de grossesse doit être accessible aux femmes incarcérées comme dans le milieu libre.

Prise en charge pré et post natale:
Quelques normes minimales à suivre lorsque les alternatives non privatives de liberté ne sont pas appliquées pour des femmes enceintes ou avec leurs enfants en prison:

  • Un régime alimentaire adapté pour les femmes enceintes
  • Des examens gynécologiques ou des accouchements sans entraves (non menottées ou attachées)
  • Des compléments alimentaires pour les mères allaitantes Le principe directeur doit être le bien-être et l’intérêt supérieur de l’enfant et par conséquent que tous les soins pré et postnataux soient assurés de manière équivalente à la société libre…

Les besoins des femmes incarcérées sont multiples et variés. Il est important que les individus qui composent la société prennent conscience de cela. Les murs de la prison sont souvent hauts et épais ce qui occulte la réalité des femmes en prison.

Pour aller plus loin

Pour approfondir le sujet: La sexualité en prison de femmes, Myriam Joël, Presses de Sciences Po, 2017 Newsletter MURSMURS, N*6, automne 2018, Femmes en prison, I.CARE ASBL. Film présenté par Corps écrits (voir l’analyse en questions).

Créée en novembre 2015, l’association I.Care est basée à Bruxelles et a pour raison d’être de contribuer activement à l’amélioration de la prise en charge globale (médicale et psychosociale) des détenus, de la continuité des soins pendant l’incarcération et lors du transfert ou de la libération ainsi qu’au développement de la promotion de la santé en milieu carcéral.

  1. Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), janvier 2018 – Fiche thématique
  2. Women’s health in prison, OMS 2011
  3. OMS, Inégalités entre les sexes et VIH/sida
  4. Unites United Nations Rules for the treatment of Women Prisoners and Noncustodial Measures for Women Offenders (the Bangkok Rules)
  5. Pour approfondir le sujet:
  6. www.prisonstudies.org
  7. www.womeninprison.org.uk
  8. www.arte.tv/fr/videos/A/kreatur-no-3/

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